ALVAR AALTO

Au milieu des années cinquante, Alvar Aalto (1898-1976) a à son actif plusieurs bâtiments majeurs en Finlande, tels que le Sanatorium de Païmio, la Bibliothèque de Viipuri, la Villa Mairea, la Caisse des retraites d’Helsinki, l’Hôtel de Ville de Säynätsalo ou la Maison de la Culture à Helsinki. Sa renommée internationale va grandissante, bien qu’il n’ait pas encore beaucoup construit à l’étranger, hormis le dortoire du MIT au Cambridge aux Etats-Unis (1947-1948) et un immeuble près de Berlin (1955-1957). En France, il s’était fait remarquer avec son pavillon de la Finlande lors de l’Exposition internationale de 1937, où il avait noué de nombreuses amitiés dans les milieux artistiques parisiens, notamment avec Christian Zervos qui publie plusieurs articles lui consacrés dans sa revue Cahiers d’art. Le pavillon ayant été démoli, aucun bâtiment d’Aalto ne subsistait en France.

Liens/En savoir plus : www.alvaraalto.fi

LOUIS CARRÉ

D’origine bretonne, Louis Carré (1897-1977) fut avocat au barreau de Rennes, puis reprit le commerce familial d’antiquités. En 1928, il publie Le Grand Carré, consacré aux poinçons dans l’orfèvrerie française, qui fait encore autorité dans ce domaine. Au début des années trente, il découvre l’art primitif, puis l’art moderne. En 1934, il rencontre Le Corbusier et s’installe dans son immeuble rue Nungesser et Coli. Il l’exposera dans la galerie d’art moderne qu’il ouvre avec Roland Balaÿ avenue du Messine à Paris en 1938. Mobilisé l’année suivante, il ouvre la Galerie Louis Carré à la même adresse en 1940. La galerie reste ouverte durant la guerre, exposant Dufy, Matisse, Rouault, Vuillard et Jacques Villon, entre autres. Après la guerre, il défend notamment Bazaine, Estève et Léger, et ouvre une galerie à New York.

HISTOIRE

C’est grâce à Jean Monnet, l’un des fondateurs de l’Union européenne, que Louis Carré a choisi de s’installer dans la région. Après lui avoir prêté sa maison à chaumière à Bazoches durant son séjour au Luxembourg, Monnet conseille à son ami d’acquérir plusieurs lots de terrains agricoles en face de sa propriété. Carré décide d’y construire une résidence et cherche un architecte. Il connaissait bien Le Corbusier mais, d’après ses propres dires, il appréhendait son côté « béton » et choisit d’écrire à Alvar Aalto dont il avait entendu parler par des amis du monde de l’art. Après des échanges épistolaires en 1955, les deux hommes se rencontrent l’année suivante à la Biennale de Venise, où Aalto inaugurait son pavillon pour la Finlande. Le courant passe immédiatement entre l’architecte, en pleine maturité de son art, et le galeriste prospère, défenseur respecté de l’art moderne. Ils étaient de la même génération et, comme l’a dit Carré lui-même, ils avaient « tous les deux une idée assez universelle de l’art » (interview avec Irmelin Lebeer, 24.7.1967, p. 49). Ce sera le début d’une amitié à vie.

À la suite de cette rencontre vénitienne, Louis Carré est parti en Finlande durant l’été 1956, où il a visité la Villa Mairea et d’autres réalisations d’Aalto, puis Alvar et Elissa Aalto se sont rendus en France pour voir le site. Celui-ci est en pente douce, en lisière de la forêt de Rambouillet. L’emplacement de la maison a été défini, ainsi que la forme du toit, car Carré ne voulait pas un toit plat et Aalto était d’accord sur le fait qu’un toit en pente s’intégrerait mieux au paysage. Autrement, l’architecte recevait pratiquement carte blanche.

Le permis de construire fut déposé en décembre 1956, les plans définitifs étaient prêts l’année suivante et la construction débuta à l’automne 1957. Elissa Aalto (1922-1994), la seconde femme de l’architecte, prit une part active à la conception des plans et était chef de chantier. Elle parlait français et fit des séjours réguliers en France durant la construction. Louis et sa troisième femme Olga emménagèrent dans leur nouvelle maison en juin 1959.

Alvar Aalto a également dessiné le jardin de 3 ha, le portail d’entrée, le garage et, de 1961 à 1963, la piscine et ses vestiaires. Après l’installation des Carré, Aalto a complété des éléments, tels que les éclairages extérieurs, les mâts à drapeaux, les parasols et une partie du mobilier.

DESCRIPTION
Il s’agit d’une maison privée de plain-pied, d’une superficie d’environ 450 m2. Le rez-de-chaussée est articulé sur deux niveaux autour du hall d’entrée et comprend trois zones principales : la zone “publique” (hall, vestiaire, salon, bibliothèque, salle à manger), la zone “privée” (trois chambres avec une salle de bain chacune et un sauna), et la zone “de service” (cuisine, office, salle à manger du personnel). Au premier étage se trouvent les chambres du personnel et une lingerie. Le sous-sol enferme la chaufferie, une buanderie, divers dépôts et une cave à vin.

Les murs extérieurs sont recouverts de briques chaulées, par de la pierre de Chartres, du cuivre et du bois. Le toit est couvert d’ardoises bleues de Normandie. L’intérieur est dominé par un large hall, dont la voûte aux courbes organiques est faite de pin rouge de Finlande, posé par des menuisiers finlandais. D’autres matériaux sont du grès céram rouge, du chêne, du frêne, du teck et du marbre.

L’une des particularités de la Maison Carré tient au fait que, à quelques exceptions près, tout l’aménagement intérieur, y compris le mobilier, les luminaires, les poignées de portes et les textiles, est signé par Alvar Aalto ou par ses collaborateurs. Ces éléments demeurent, pour la plus grande partie, encore dans la maison. Le mobilier – constitué en partie par des pièces standard éditées par Artek et en partie par des pièces conçues spécialement – est fait d’une large gamme d’espèces de bois, telles que du bouleau, du frêne, du teck, du pin, du hêtre, du peuplier et de l’acajou. Les sièges sont couverts de cuir noir ou naturel ; les poignées de portes sont en bronze et en cuir. Alvar Aalto accorda une attention particulière à l’éclairage naturel et artificiel de la maison. Plusieurs types de luminaries dessinés sur mesure viennent en complément de lumière zénitale et de baies vitrées. Elissa Aalto conçut une grande partie des textiles, comme le large tapis en laine aux motifs rouges et blancs qui se trouve dans le salon.

La villa est située en haut d’une colline qui à l’origine donnait sur un paysage d’Ile-de-France rural et dégagé. Aujourd’hui, de hauts arbres cachent la vue depuis la maison et le petit carré de vignes planté près de la terrasse de la bibliothèque a disparu. Sur le côté sud, les chambres jouissent de terrasses privées qui mènent aux escaliers couverts d’herbe qui descendent vers la piscine. Un petit amphithéâtre est relié au bosquet de chênes, où avaient lieu les fameuses garden-parties annuelles.

UNE MAISON CIMAISE
La Maison Louis Carré fut conçue en tant que résidence principale et destinée à accueillir la magnifique collection d’art moderne de son commanditaire. Des tableaux de Léger, Bonnard, Picasso, Dufy, Villon, Lanskoy et Klee, des sculptures de Henri Laurens, Calder et Alberto Giacometti, ainsi que de l’art africain, trouvaient là un environnement à leur mesure. Des artistes, des écrivains, des clients et des amis furent invités à Bazoches et les livres d’or de la maison témoignent de la qualité de la vie sociale et culturelle de cette demeure brillante.

Après la mort de Louis Carré en 1977, sa veuve Olga hérita de la maison, où elle vécut jusqu’à sa mort en 2002. Les oeuvres d’art furent mises en vente publique en décembre de la même année. Les bâtiments et le jardin sont classés Monument historique depuis 1996.

La Maison Louis Carré est le fruit de la rencontre et de l’entente entre deux hommes d’exception et entre deux cultures. Tout en transposant sa conception de l’espace et des proportions dans un style reconnaissable qui lui est propre, Alvar Aalto a parfaitement intégré sa maison dans la douceur du paysage d’Ile-de-France et a pris en compte les demandes et le style de vie de son maître d’ouvrage. Le fait qu’il ait tout dessiné, depuis les poignées de portes et du mobilier jusqu’au portail, au jardin et à la piscine, résulte en une oeuvre d’art totale. La conception de l’architecte est bien décrite par lui-même : “La préparation du terrain, si généreuse, a ouvert des possibilités incroyables et une liberté rarement rencontrée pour créer l’atmosphère d’ensemble : maison et paysage dans une conception unique” (lettre à Will Grohmann, 10.8.1966).

L’ASSOCIATION ALVAR AALTO EN FRANCE

Fondée en mars 2006, l’Association Alvar Aalto en France a pour objet l’acquisition et la gestion de la maison Louis Carré à Bazoches-sur-Guyonne dans un but d’intérêt général, culturel et architectural, ainsi que la promotion de l’histoire et de l’œuvre de son architecte finlandais, Alvar Aalto.

Le Conseil d’administration est composé des membres suivants : M. Paul Lassus, Président, M. Tapani Manninen, Trésorier, M. Henrik Aalto, M. Pascal Bouffard, Mme Mirkku Kullberg.

L’administratrice de la maison Louis Carré est Mme Ásdís Ólafsdóttir.

L’Association Alvar Aalto en France bénéficie du soutien du ministère finlandais de l’Education et de la Culture, du ministère français de la Culture et de la Communication/DRAC, ainsi que du Conseil régional d’Ile de France.

LES AMIS DE LA MAISON CARRÉ

Fondée en 2004, l’Association Les Amis de la Maison Carré d’Alvar Aalto a pour mission de faire connaître et rayonner la seul œuvre française d’Alvar Aalto au travers de l’organisation de rencontres et d’événements. Les Amis soutiennent également le fonctionnement et la programmation culturelle de la Maison Louis Carré.

Le bureau de l’association est composé de : Pia Setälä, présidente, Vikki Leroux, vice-présidente, Anssi Yli-Hietanen, trésorier, Sonia Musnier, secrétaire. Conseillers : Pierre Grange, Kirsi Marjamäki-Mas, Ásdís Ólafsdóttir.

Contact : amismaisoncarre@gmail.com